“Quoi qu’il en coûte”

Le commerce sous Covid-19

“Quoi qu’il en coûte”, c’est avec ses mots que le président Macron a promis l’aide de l’état face à la crise du conoravirus. Cet appel à la solidarité a été entendu bien au-delà de la sphère étatique et médicale.

La grande distribution, secteur d’activité qui ressent la crise par une hausse spectaculaire de fréquentation, est vitale par de nombreux aspects. Reflet de l’état d’esprit du citoyen, la grande distribution doit faire face et tenir devant la panique ambiante : proposer des rayons pleins et surtout être au rendez-vous des consommateurs afin d’être le relai de ce plan hors du commun.

Dans les conditions présentes et face à la pénurie de personnel dès lundi (suite à la fermeture des écoles), mon enseigne Lidl a débloqué des moyens exceptionnels, que je n’ai personnellement jamais vu dans ma carrière :

  • Heures supplémentaires autorisées
  • Intérimaires embauchés, plusieurs pour les magasins et les entrepôts
  • A tous les étudiants, signature d’un contrat à 30 ou à 34 h, sur la base du volontariat.
  • Il sera proposé des contrats manutentionnaires en CDD, pour 1 mois pour tous les magasins qui peuvent en avoir besoin.
  • Il sera aussi proposé plus de souplesse pour les horaires. Discussion pour aménager les horaires pour favoriser la garde des enfants dans chaque magasin et en entrepôt (commencer tôt ou travailler tard le soir, en fonction des cas de chacun pour éviter trop d’arrêt)
  • Télétravail pour les postes concernées
  • Du gel hydroalcoolique pour le personnel

Il s’agit “de la plus grave crise sanitaire qu’ait connu la France depuis un siècle”. C’est par ces mots que le président de la République Emmanuel Macron a commencé son allocution télévisée jeudi 12 mars dans la soirée. Discours pendant lequel, il a annoncé la fermeture des établissements scolaires (écoles, collèges, lycées), et des universités dès lundi et “jusqu’à nouvel ordre”. Une mesure qui oblige de nombreux parents ne pouvant pas travailler depuis leur domicile, à demander un arrêt de travail pour garder leurs enfants. Mais à quelle hauteur seront-ils indemnisés ?

Comme l’a rappelé la ministre du Travail Muriel Pénicaud ce vendredi matin au micro de Franceinfo, les arrêts de travail demandés par les parents n’ayant pas la possibilité de télétravailler tout en gardant leurs enfants sont considérés comme des arrêts maladies classiques, c’est-à-dire indemnisés par la Sécurité sociale. Contacté par Capital, la Direction générale de la santé (DGS) précise que les règles d’indemnisation actuellement en vigueur restent inchangées. À l’exception du délai de carence. C’est-à-dire une période de trois jours pendant laquelle l’Assurance maladie ne verse pas d’indemnités journalières (IJ) au travailleur, qui doit donc attendre le quatrième jour pour être indemnisé. En cette période de crise sanitaire, ce délai de carence a été exceptionnellement supprimé. Le parent qui demandera l’arrêt de travail pour veiller sur ses enfants dès lundi 16 mars sera donc indemnisé par la Sécurité sociale dès le premier jour.

Un pouvoir d’achat en baisse ?

Jeudi soir, Emmanuel Macron a encouragé le plus grand nombre d’entreprises dont les activités le permettent, à favoriser le télétravail. Et les parents salariés dont leur profession est incompatible avec le télétravail devront se mettre en arrêt maladie. Cela signifie donc que dès lundi, jour où tous les établissements scolaires et universités de France fermeront leurs portes, il y aura logiquement plus de bouches à nourrir, matin, midi et soir dans les foyers. Le tout avec moins de revenus ! En effet, contrairement au télétravail, l’arrêt maladieimplique une baisse du salaire versé à la fin du mois. Même si le délai de carence légal de trois jours est supprimé à titre exceptionnel, l’Assurance maladie n’indemnise pas les travailleurs à 100 %.

Dans le détail, le montant des indemnisations des indemnités journalières (IJ) versées par la Sécurité sociale correspond à 50 % du salaire journalier de base. Celui-ci est égal au montant des trois derniers salaires bruts perçus avant l’arrêt de travail, divisé par 91,25. Le site du service public prend l’exemple d’un salaire de 2000 euros bruts mensuels, perçus les trois mois précédant l’arrêt de travail. Le salarié percevra des IJ fixées à 32,87 euros, soit le résultat des calculs suivants : 2 000 x 3 / 91,25 = 65,75 (salaire de base journalier), puis 65,75 x 50 % = 32,87 (indemnité journalière). Attention, les IJ versées par l’Assurance maladie ne peuvent excéder 45,55 euros bruts.

Selon les cas, les travailleurs contraints de se mettre en arrêt peuvent percevoir des indemnités complémentaires versées par leur entreprise. Pour cela, il faut d’abord justifier d’au moins un an d’ancienneté, avoir transmis à l’employeur le certificat médical dans les 48 heures, bénéficier des indemnités journalières (IJ) versées par la Sécurité sociale, être soigné en France ou dans l’un des États membres de l’Espace économique européen (EEE), et ne pas être travailleur à domicile ou salarié saisonnier, intermittent ou temporaire. Ces indemnités complémentaires ne sont versées qu’après un délai de carence de sept jours, sauf dispositions conventionnelles ou accords collectifs plus favorables. Il faut toutefois noter que la durée maximale du versement des indemnités par l’employeur varie en fonction de l’ancienneté du travailleur. Enfin, la convention collective peut éventuellement prévoir des modalités plus alléchantes, comme par exemple le maintien intégral du salaire.

Les effets du discours d’Emmanuel Macron ne se sont pas fait attendre. Certains s’y attendaient, d’autres sont plutôt surpris. Grosso-modo, le secteur du retail alimentaire est dans le dur.

Au contraire de nombreux magasins, en perte de clientèles, les super et hypermarchés sont sur-sollicités, par crainte de la rupture. Et ceux des 20h10 hier soir, quelques minutes après le discours.

Mais évidemment, c’est bien aujourd’hui vendredi 13 mars, que les effets se font réellement ressentir. Conserves, surgelés, riz-pâtes, pain et produits d’hygiène sont littéralement vidés.

Comment les grands groupes de l’alimentaire gèrent-elles cette crise, cela sera le sujet de demain : 🏪Le commerce sous Covid-19 🦠 #2

“C’est le vieux réflexe français de stockage, on sent une volonté claire des consommateurs de stocker”. Le président de l’Association des industries agroalimentaires, Richard Girardot, ne se souvient pas de razzias similaires, “sauf peut-être en mai 68”. Les Français, qui ont connu les pénuries et les tickets de rationnement pendant l’occupation allemande de 1940 à 1945 sont souvent prompts à se précipiter pour faire des réserves de denrées non périssables (pâtes, riz, conserves, sucre), “au cas où”. Ce fut le cas par exemple en début d’année 1991, avec le déclenchement de la guerre du Golfe. L’épidémie de Covid-19 ravive cet ancien panurgisme.

Mues par une crainte irraisonnée, certaines personnes se sont dernièrement engouffrées dans les rayons des grandes surfaces, créant çà et là quelques ruptures de stocks. Pourtant, les patrons de la grande distribution affirment en choeur qu’il n’y “aura pas de pénurie dans les magasins”. Mais des images de rayons de céréales vidés comme en temps de guerre font le tour d’internet depuis une dizaine de jours.

Riz, pâtes, conserves dépassent les plafonds

Sur la semaine du 2 au 8 mars, les ventes de produits de grande consommation se sont envolées : +5,6%, alors que la moyenne hebdomadaire de croissance sur ces produits était de 2% en 2019, selon l’indicateur de référence Nielsen.

Les produits d’épicerie dépassent tous les plafonds : les ventes de riz, pâtes et conserves ont bondi de 21% sur la semaine, après +13% la semaine d’avant.

D’ordinaire, mis à part quelques pics ponctuels de consommation de +5% dus à des effets de calendrier (chocolats de Pâques…), la croissance moyenne de ce rayon est très stable. Selon Nielsen, elle est comprise entre 1,5 et 2% en valeur chaque mois depuis 10 ans.

“Ce sont des familles qui se disent si je dois rester à la maison pendant 15 jours et ne pas aller faire mes courses, j’aime autant avoir mon stock”

Essaie de justifier le président du géant Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, sur RMC. Le PDG de Système U, Dominique Schelcher, dont le réseau compte quelque 1 600 points de vente, a aussi mis en cause le “sur-stockage”. Mais les deux patrons ont assuré qu’il n’y “aurait pas de pénurie”.

“On a de la bouffe en France jusqu’à l’été”

Cette semaine, les industriels de l’agroalimentaire, les distributeurs et les transporteurs se sont pourtant réunis autour du ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, et de la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, Agnès Pannier-Runacher.

Le but était “d’anticiper” les problèmes de la chaîne logistique alimentaire si “la frénésie d’achats se poursuivait dans les prochains mois”, indique Richard Girardot.

Quelles mesures à venir ?

L’Ania a demandé à ses adhérents de se concentrer sur la fabrication de produits de première nécessité, les 20% qui font 80% du volume, et de laisser tomber les lots promotionnels.

Pour certains légumes en conserves, quelques rationnements pourraient néanmoins intervenir s’ils sont hors saison, prévient Richard Girardot.

Le secteur réfléchit aussi à la façon d’augmenter les livraisons aux hôpitaux où il y aura plus d’activité dans les semaines à venir. Une réorientation des chaînes logistiques qui pourrait être facilitée si dans le même temps des écoles sont fermées.

Franprix et Monoprix proposent des paniers à petits prix aux personnes âgées

L’initiative a été lancée ce jeudi chez Monoprix, et le sera dès ce vendredi chez Franprix : les clients qui ne souhaitent pas se rendre en magasin pour cause de coronavirus, et n’ont pas accès à Internet, peuvent appeler un numéro vert créé pour l’occasion ( Franprix 0 805 620 370 et Monoprix 0 800 05 8000 ), grâce auquel ils pourront se faire livrer (la livraison est gratuite) des paniers de produits — à partir de 30 euros — leur permettant de tenir en autarcie trois à quatre jours.